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Fanta Régina Nacro : « l‘humanité à besoin d’actes symboliques forts »
La réalisatrice burkinabé présente son nouveau film. « La nuit de la vérité ». Une fable sur la difficulté de construire la paix après des périodes de guerre. Fanta Régina Nacro revient également sur son combat féministe.
 05/07/2005 Par Raoul Mbog
 
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Note de Grioo.com: Partenaire du film, Grioo.com permet aux premières personnes qui appeleront le 01 40 09 06 00 de bénéficier d'une entrée gratuite pour la première séance du 6 Juillet.
Il n'y en aura peut-être pas pour tout le monde...

Le film est diffusé à Paris dans les salles :
Les 7 parnassiens, 98 bd Montparnasse 75014
l'Espace Saint Michel 7 place Saint Michel 75005 Paris.
En banlieue, il sera diffusé à L'Ecran à Saint Denis et au cinéma Les
Lumières à Nanterre.
Pour les salles en province vous pouvez vous référer au site des Histoires Weba www.leshistoiresweba.com

« La nuit de la vérité »
©leshistoiresweba.com
   
Vous vous êtes fait connaître en développant un cinéma où la satire sociale passait par l’humour. Pour votre premier long métrage, vous attaquez un sujet grave et pas du drôle. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne vous a pas vue venir, en tout cas sur ce terrain de la guerre…

Il est vrai que pour mes courts-métrages, j’ai toujours employé l’angle de l’humour et de la comédie pour faire passer des messages importants. Mais dans « La nuit de la vérité », je ne voulais justement pas faire passer un message. Le but était de susciter la réflexion sur l’un des plus grands fléaux de tous les temps, la guerre, de même que sur la capacité des peuples à retrouver entente et harmonie après des périodes de déchirements. Et pour moi, le meilleur moyen d’y arriver n’était pas nécessairement l’humour.
   

Fanta Régina Nacro
©fiff.ch

Je n’ai pas envie de croire que l’idée d’écrire un film comme celui-ci vous est venu par hasard…Pourquoi un film sur un sujet aussi difficile pour un premier long-métrage ?

J’ai l’habitude de travailler dans l’urgence. Dès lors qu’un sujet me vient à l’esprit, je ne trouve la tranquillité que dès lors que je l’ai traité. Plus précisément l’idée de faire ce film m’est apparu en 1999 lors de la guerre en Yougoslavie. Les images de la guerre et les témoignages des victimes m’ont conduite vers une réflexion sur les atrocités, les conflits, la violence. Qu’est-ce qui peut amener un individu à un moment de son existence à perpétrer des actes qui parfois relèvent de l’inimaginable ? Par la suite, tout à fait naturellement, je me suis penché sur des drames qui m’étaient plus proches, comme le génocide du Rwanda ou encore cette histoire d’un de mes oncles qui s’est fait tuer dans un barbecue parce qu’il était soupçonné d’avoir fomenté un coup d’Etat.

On y retrouve tout le militantisme et tout l’engagement que vous avez mis dans vos précédents films, puisqu’il apparaît clairement que vous défendez avec force l’idée d’une paix possible et durable dans le monde. Doit-on considérer que votre cinéma est avant tout un cinéma de combat ?

Mon cinéma se veut avant tout un cinéma éducatif. Je suis convaincu du pouvoir de persuasion de l’image et du son, et je m’en sers pour communiquer avec un large public. Il se trouve simplement que tous les sujets que j’aborde sont des sujets de combat. En ce sens, oui, on peut effectivement voir mon travail comme acte militant et politique.

Edna
©fanta-nacro
   
« La nuit de la vérité » doit-il être vu comme un rêve, un espoir ou comme la conviction qu’une réconciliation est toujours possible après une longue guerre ?

Au delà de l’espoir qui est d’ailleurs très infime dans le film, ce que je voudrais avant tout, c’est mettre le doigt sur la fragilité de la paix. Il ne s’agit par exemple pas seulement de signer des accords, comme on le voit souvent, pour que la paix revienne. Car en réalité, il suffit d’un rien pour que tout s’embrase. J’essaie de l’illustrer tout le long du film à travers par exemple l’allégorie du tambour, le regard, des petites choses comme ça qui peuvent raviver des souvenirs et donc susciter des désirs de vengeance. On doit en permanence être d’une vigilance extrême si on veut avoir la chance de bâtir une paix durable et universelle. Et pour cela , il faut que l’individu s’implique, qu’il aille chercher au plus profond de lui-même le courage et la force nécessaire pour surpasser les germes de violence qu’il y a en chacun de nous. Je pense que l’une des plus grandes faiblesses de l’humanité aujourd’hui, c’est la difficulté à trouver un équilibre entre l’affirmation de ses convictions et l’acceptation de la différence. Cela peut paraître banal, mais ce ne sont pas des choses simples. Et tant que l’on n’aura pas pris cela en compte, on vivra toujours dans un monde dangereux.
   

©fanta-nacro

Qu’est-ce qui, selon vous, est le plus important dans le processus de réconciliation ? C’est le pardon d’abord ? Ou un gros travail de repentir à faire sur soi-même ?

Je pense que ce qui est important avant tout, c’est la vérité. Tant qu’on n’a pas pu établir ce qui s’est réellement passé et ce qui a pu motiver les actes des uns et des autres, on ne peut espérer aucune guérison. Il faut pouvoir avoir la paix du cœur d’abord. Et cela passe par le choc, la douleur, la souffrance que peut générer la vérité. Ensuite seulement on peut aller vers l’autre. Je crois beaucoup en la catharsis. Parce que, plus on éprouve des choses au plus profond de soi, plus on les comprend et mieux on peut se porter. Bien sûr, tout ce travail d’établissement de la vérité doit être mené avec prudence et délicatesse.

L’horreur
©fanta-nacro
   
Parce qu’on voit bien dans le film que Edna l’épouse du président refuse d’oublier – et donc forcément de pardonner-, le meurtre de son fils par les Bonandé. L’oubli et le pardon sont-ils liés ?

Je ne trouve pas de lien bien précis. Parce que je me suis moi-même toujours posé la question de savoir ce que je ferais si je me trouvais devant le bourreau d’un proche. Face à la difficulté de répondre à cette question, Marc Gautron mon co-scénariste et moi, nous avons pensé que le meilleur moyen de redonner de l’espoir à la vie, c’était de poser un acte sacrificiel qui se traduit à travers la mort d’Edna dans le film. Mais aussi à travers le pacte de sang. J’ai le sentiment que dans le monde d’aujourd’hui, nous sommes arrivés à ce moment crucial. C’est-à-dire que face à toutes ces intolérances, la xénophobie, le racisme, la violence, il faut poser des actes symboliques forts pour pouvoir avancer.
   

Même les dessins témoignent de la violence
©fanta-nacro

Le film est construit sur les trois règles de la tragédie classique. Qu’est-ce qui justifie cette approche ?

Nous sommes partis du constat que les notions de pardon, de réconciliation, d’oubli, sont des notions assez abstraites. Mais seulement, jusqu’au jour où l’on se retrouve devant le bourreau de son enfant. A cet instant précis, qu’est-ce qui se passe ? Nous avons donc ainsi été amenés à construire le film autour de cet instant T. Ce qui donne finalement à « La nuit de la vérité » des allures d’un drame shakespearien.

Les acteurs sont assez à l’aise dans leur jeu. Malgré des déclamations pleines de théâtralité. J’imagine que cela n’a pas été simple de les diriger…
Cela a été d’autant moins simple que, comme vous le savez, nous n’avons pas beaucoup de comédiens professionnels en Afrique, notamment au Burkina Faso où le film a été tourné. Je n’avais ni le temps ni les moyens de recruter des non-professionnels et les former aux usages et codes militaires. Pour beaucoup de rôles, j’ai été amenée, avec l’aide de l’Armée, à recruter des acteurs au sein même des militaires afin d’obtenir un minimum de crédibilité.

©fanta-nacro
   
S’il est un thème qui revient dans votre cinéma, c’est bien celui de la femme, du féminisme qui est très présent dans « la nuit de la vérité », puisque vous engagez une réflexion sur la place et l’influence de la femme dans les conflits politiques et humains…

Je le dis et le revendique, je suis convaincu que le monde s’en sortira grâce à la femme. D’abord parce que c’est elle qui donne la vie. Et que c’est la première à subir les conséquences de la guerre. Elle perd son fils et son mari. Surtout, c’est la femme qui instruit et éduque sur les valeurs de la société. Son engagement ne peut donc aller que vers la recherche des meilleurs moyens pour vivre dans un monde de paix. Tout le problème, c’est qu’elle doit en même temps, tous les jours se battre face aux conservatismes masculins pour assumer sa place et jouer ce rôle. Cependant, si je crois beaucoup en la femme, je n’ai pas voulu l’idéaliser non plus. Car nous savons qu’elle est aussi capable du pire. Il y a en effet beaucoup de conflits qui se sont déclenchés par la faute de la femme.
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