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Joséphine Repetto : La nouvelle créatrice du design contemporain
Le design a trouvé sa créatrice féminine : Joséphine Repetto... A mi-chemin entre l’Occident et l’Afrique, elle donne un nouveau sens aux objets d’intérieur. De véritables œuvres d’art qui marient le classique à la modernité et l’esthétisme au symbolisme. A 31 ans, à la tête de sa société « Manjaca », elle réalise des objets à la fois usuels et fonctionnels. Lauréate 2004 des Trophées de la Fédération Européenne des Femmes d’Affaires Noires, cette autodidacte de l’art, originaire de la Guinée-Bissau réinvente la décoration d’intérieur avec finesse et intelligence. Elle nous raconte en toute simplicité son parcours surprenant, ses passions, ses inspirations et ses motivations. Rencontre avec une femme designer contemporaine pas comme les autres…
 26/04/2005 Par Lucie Montchovi
 
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Joséphine Repetto
   
D’où provient cette passion pour le design ?

Faire du design a été pour moi comme un déclic. Déjà très jeune, j’avais un goût très prononcé pour l’esthétisme et la mode. Je m’amusais à dessiner des vêtements. J’avais cette fibre artistique que je n’arrivais pas exprimer. Lorsque j’ai fait construire ma maison en région parisienne, j’avais une idée très précise de ma décoration d’intérieur. J’ai parcouru de nombreuses boutiques de déco mais rien ne correspondait à mes inspirations. Je me suis mise à imaginer puis dessiner des croquis de meubles, de canapés, de lampes par dizaines. Je n’arrivais plus à m’arrêter. Je pensais à de nouveaux objets sans cesse. Alors j’ai commencé à me constituer un book et montrer mes croquis à mon entourage qui a été tout de suite séduit.

Avez-vous suivi une formation particulière pour devenir designer ?

Il est vrai que je n’ai pas appris le design à l’école parce que je ne me prédestinais pas à être conceptrice d’objet d’intérieur. Mon parcours professionnel était presque tout tracé. J’ai fait des études supérieures de Langues à l’Université à Rouen. Puis je suis devenue agent d’escale chez Air France.(…) Le goût pour le design m’est venu beaucoup plus tard, vers 28 ans. J’ai donc pris des cours de dessin pour affiner ma technique et la perspective. J’ai tout appris sur le tas en faisant confiance à mon instinct. Aujourd’hui j’ai fondé ma société « Manjaca » et je mène de front mes carrières d’agent d’escale Air France et de créatrice contemporaine. Mes deux métiers se complètent à merveille. Pour le moment l’un ne va pas sans l’autre. Je suis certes une autodidacte dans le design mais pas une profane aux regards des gens du métier. C’est ce qui me réconforte.
   

Lampes de chevet Le Penseur

Racontez nous vos premiers pas dans le monde de la conception ?

Je suis partie à la quête d’un artisan avec pour seule carte de visite mon book rempli de croquis d’objets. Je n’ai pas hésité un moment… J’étais plus que déterminée à ouvrir toutes les portes. Là j’ai fait une rencontre déterminante avec Jean-Pierre Barbance, un architecte d’intérieur, sur la rue de Charonne à Paris. Il est tombé sous le charme de mes dessins d’objets. On a engagé très rapidement une collaboration... Aujourd’hui je travaille de concert avec lui sur les prototypes, les matériaux, les tissus et les matières à utiliser. J’apprends beaucoup à ses côtés et il me conseille sur la technique et la fabrication.

Comment définissez vous vos objets d’intérieur ?

Ce sont des créations d’inspiration contemporaine et moderne. Je réalise une pléiade d’objets comme des sièges, des tables basses, des bougeoirs, des lampes et des canapés. J’aime mélanger les matières et surprendre avec une touche d’originalité. Mes objets sont de qualité à la fois fonctionnels et usuels. Mes créations racontent des histoires et suggèrent mes sensibilités.

Console Quadro
   
Quelles matières utilisez-vous?

J’accorde une grande importance à la matière. Beaucoup de designers européens et africains utilisent le bois d’ébène pour sa finesse. Moi j’aime découvrir et expérimenter des (…)matières comme le métal, le coton, l’abaca, le wengé, le chêne, la patine, les tissus … D’ailleurs les tisserands africains ont su conserver leur savoir-faire ancestral. J’ai découvert au Sénégal des tissus d’une qualité exceptionnelle que j’ai intégré dans mes créations. J’essaie de jouer sur les teintes et les couleurs pour sortir de l’imaginaire… J’axe mes créations vers l’originalité en offrant une façon de penser la décoration. Mes objets sont presque hybrides, mélangés et métissés.

Pouvez-vous nous donner une tranche de prix pour vos créations ?

Les prix s’échelonnent de 200 euros pour les objets de décoration à 850 euros et plus pour le mobilier. C’est le prix pour un produit de qualité. Tous mes objets sont fabriqués en France. Encore une fois je travaille avec des matières plus au moins onéreuses. La fabrication et la finition doivent être irréprochables. J’aime quand les produits sont bien faits, bien fignolés. Je travaille sur les retouches et tout doit être parfait.

   

Statuettes Where is now

Quelles sont vos sources d’inspirations ?

Mes inspirations sont diverses et mélangées. Je pioche un peu dans les influences africaines et occidentales. Mes deux parents sont natifs de la Guinée Bissau. Donc c’est très important pour moi qui suis née en France de me rapprocher de mes racines. Découvrir la culture de ce pays traditionnel et d’en faire quelque chose de magnifier. L’Afrique regorge d’influences artistiques symboliques et j’aime m’en inspirer. La mère africaine qui porte son enfant dans le dos est une image gravée dans l’inconsciente collective du continent… Je me sens très proche de ces inspirations. D’ailleurs le nom de ma société « Manjaca » fait référence à mon ethnie.
Je m’inspire aussi beaucoup de l’art européen. J’adore le courant minimaliste, la peinture de Goya, de Vélasquez, de Picasso et le pop Art d’Andy Warhol. Dans le design, j’apprécie ce qui se fait en ce moment avec Philippe Starck, Patricia Urquiola, le groupe Cappellini. Je suis très sensible au raffinement à la beauté, aux lignes épurées. L’art est de suggérer grâce à une forme et une couleur. Tout simplement !

Racontez nous votre premier succès au concours des Trophées de la Fédération Européenne des Femmes d’Affaires Noires. Etait-ce une victoire importante pour vous ?

Je me suis inscrite au concours sous l’impulsion de Léontine Gomis, une ancienne lauréate, qui a appréciée mon travail. J’ai passé les premières épreuves de présélection avec succès. Je me suis retrouvée pendant deux jours à Londres avec deux autres concurrentes. Je représentais la catégorie française au niveau national. C’était déjà une grande satisfaction de montrer mes œuvres à un jury étranger. Et contre toute attente, j’ai gagné ! J’ai remporté le Trophée de la Fédération Européenne des Femmes d’Affaires Noires pour l’année 2004. Cette victoire m’a vraiment conforté dans mes démarches et m’a montré que j’étais sur la bonne voie.

Lampe de bureau Le penseur
   
Quelles difficultés rencontrez vous en tant que femme noire designer ?

Déjà le design est un milieu très fermé comme beaucoup de profession. C’est d’autant plus dur pour un designer d’origine africaine de percer dans le métier. Surtout quand les gens ont tendance à cataloguer les créateurs. Les premières fois que j’ai présenté mes œuvres dans les expositions ou les foires, certains m’ont dit que je faisais de la décoration d’inspiration coloniale ou de l’art primitif africain. Parfois je suis obligée de me justifier. Quand Jean-Paul Gauthier s’inspire dans sa dernière collection des imprimés africains, on ne dit pas qu’il fait du stylisme africain. Pareil pour Starck qui a crée des tabourets Tam-tam, les critiques ne l’ont pas catalogués. Je souhaite toucher un public large et multiculturel avec un design contemporain. Mes objets sont un melting pot de mes racines, de mon vécu et des choses que j’ai vu.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Je prends mon temps. Je ne veux pas ouvrir ma propre boutique pour le moment. Parce que ça coûte très chère. Je préfère me lancer d’abord en allant étape par étape. Je démarche les boutiques de décoration et je propose mes objets. C’est sûr à long terme j’ouvrirai ma petite enseigne avec mon logo « Manjaca »… Mon but ultime c’est d’avoir ma structure, mes fabricants et des points de vente. Ouvrir ma boutique à New York fait parti de mes projets… J’adore cette ville parce qu’elle est cosmopolite à l’image de ce je suis. J’ai d’ailleurs déjà un point de vente dans le quartier branché de Soho à Greene Street. Je vise l’international. Je veux vendre en Espagne, en Italie ou au Sénégal.
   

Pouf Viva

Forte de votre succès, arrivez-vous à garder les pieds sur terre ?

Je suis très bien entourée. Je travaille avec mon mari qui est aussi un artiste d’origine italienne. Il me conseille et me cadre énormément. J’aime dire qu’il est mon chargé de projet. Et c’est vrai ! Depuis le début de l’aventure, il est là pour me soutenir. Quand je suis trop impulsive, il m’apprend à être patiente, plus tempérée. Aujourd’hui quand je regarde les objets réalisés, je me dis qu’on l’a fait ensemble…Je ne brûlerai aucune étape parce que je n’ai pas le droit à l’erreur… Mon leitmotiv reste le même : « Become Your Dream »

Y a-t-il un message dans vos créations ?

Mes œuvres sont avant tout du métissage. C’est un mélange de culture, d’inspiration parce je suis à la fois européenne, italienne, africaine et normande. Je fais passer un message par les formes, les matières, les tissus et les symboles.
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