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Burundi: la Princesse Kamatari répond à nos questions
Quelques semaines après avoir présenté sa candidature aux élections présidentielles dans son pays, le Burundi, la Princesse Kamatari a répondu aux questions de notre rédaction
 07/11/2004 Par Hervé Mbouguen
 
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Grioo avait annoncé dans un article la candidature aux élections présidentielles burundaises de la Princesse Esther Kamatari qui fut il y a quelques années la première mannequin noire à défiler en France.
Cet article a généré quelques réactions de la part des grioonautes et, bonne joueuse, la Princesse, qui nous a reçus dans ses bureaux parisiens "pour que nous puissions voir ce qu'elle fait" a accepté de revenir sur certaines des remarques lues sur notre site.

La Princesse Kamatari
©grioo.com
   
Princesse Kamatari, vous venez d’annoncer votre candidature aux élections présidentielles dans votre pays depuis Paris, ce qui a suscité de vives réactions, y compris sur le site Grioo.com : qu’avez-vous à répondre à ces personnes ?

D’abord que ma candidature n’a pas été faite à Paris mais à Bujumbura où mon parti a obtenu l’agrément et que je ne me suis pas levée un matin en disant que je voulais devenir président de la République, et que ce sont les membres du bureau politique, notamment les femmes, qui m’ont désignée pour les futures élections présidentielles.
Ensuite, je vis à Paris bien sûr, ceux qui ont pris au premier degré l’ont appris parce que j’étais à Paris. C’est vrai qu’ils ont eu des propos extrêmement injurieux à mon égard, ils s’en prennent à la couleur de mes cheveux. Quand il s’agit de Mandela qui a les cheveux blancs on ne dit rien, quand il s’agit d’une femme qui a les cheveux blancs c’est gênant. Ce sont des gens qui ne sont pas informés, qui ont simplement la possibilité de communiquer, et qui occupent l’espace de communication des autres. Avant de critiquer tout simplement il serait bon qu’ils s’investissent un petit plus et qu’ils sachent quel est notre programme : le programme n’est pas celui de la Princesse Kamatari mais bien celui de notre parti.
Quand ils me parlent d’Hollywood, je leur dirai qu’ils ont oublié que le Gouverneur de l’Etat de Californie a été un acteur, et qu’il y a eu un grand président aux Etats-Unis qui était aussi un acteur de cinéma.
On s’en prend à ma carrière de top-model et c’est un peu dommage, parce que c’est un travail comme un autre, que j’assume totalement, et je suis très heureuse d’avoir été la première mannequin noir en France.
Le plus important n’est pas mon look, mais ce que nous allons proposer à la société.
   

La Princesse Kamatari remplissant des cartons pour les orphelins du Rugo
©grioo.com

Certains vous reprochent notamment une certaine méconnaissance de votre pays que vous avez quitté il y a longtemps déjà, même si vous restez présente via votre association pour les enfants du Rugo. Qu’avez-vous à leur répondre ?

Ils n’ont sans doute jamais mis les pieds au Burundi depuis 1993, date d’éclatement de la guerre. Ils ne m’ont sans doute pas accompagnée non plus dans les camps lors des heures les plus pénibles de l’histoire du Burundi, ils ne savent probablement pas que je vais au minimum six fois par an au Burundi, et que je connais certainement plus la réalité du terrain qu’eux.

Une autre remarque qui vous a souvent été faite a trait à votre look tout en blanc, et à votre capacité à tourner le dos à votre ancienne carrière de mannequin pour devenir une « vraie » politicienne : vous en sentez-vous capable ?

Je vais commencer par votre seconde question. Il y a bien longtemps que j’ai tourné le dos à ma carrière de mannequin. Aujourd’hui c’est place aux jeunes, on ne peut pas me reprocher d’avoir ouvert les portes aux autres. On devrait au contraire m’applaudir d’avoir permis aux noirs d’être là où ils sont aujourd’hui.
Quant à mon look, c’est une copine, une femme sur le marché de Bujumbura qui m’a dit : « La Princesse elle a vieilli, mais elle a de la chance, nous on n’aura pas la chance de vieillir ».

Vous dites effectivement que dans votre pays l’espérance de vie est de « 24 heures renouvelables »

Absolument. C’est marrant en ce qui concerne les cheveux blancs, les africains voudraient voir les femmes avec des cheveux artificiels. En ce qui me concerne mes cheveux sont crépus, et sont blancs. Je ne suis pas blonde mais platine, et c’est vrai qu’au milieu du marché de Bujumbura on me reconnaît.

La Princesse Kamatari avec des orphelins
   
Vous avez cité des actions que vous menez pour vos compatriotes. Pouvez-vous compléter la liste pour que ceux qui ne vous connaissent pas bien sachent tout ce que vous faites sur le terrain ?

Je voudrais leur dire que je préside l’association des burundais de France depuis 1990, et qu’en 1993 lorsqu’il y a eu le génocide burundais, j’ai été la première à être sur place au mois de Novembre parce qu’entre l’assassinat du président Melchior NDADAYE et le mois de Novembre où l’aéroport de Bujumbura a été fermé, j’ai commencé à collecter de l’urgence, d’abord par les voisins, puis l’immeuble et ensuite la ville. A ce jour j’ai collecté plus de 500 tonnes de matériel de tous genres.
J’ai créé une association qui s’appelle « Un enfant par Rugo » sous les conseils des sages burundais qui m’ont dit qu’au Burundi il y avait toujours eu des orphelins, mais que c’est la société qui les prenait en charge, surtout que je suis contre l’adoption internationale, on ne peut pas traumatiser un enfant deux fois, la première par la perte de ses parents, et la seconde en le coupant de son milieu naturel. Je suis également contre parce qu’au milieu de tous ces enfants burundais, je ne peux pas choisir celui qui va aller en Europe et celui qui va rester : c’est eux qui vont reconstruire le pays de toutes façons, il ne doit pas y avoir de privilèges à gauche ou à droite.

Je dirais aussi que je suis près des femmes puisque dix mille d’entre elles sont membres de l’association « Un enfant par Rugo » et qui cultivent, à qui je trouve des semences. Aujourd’hui dans mon bureau on est en train d’organiser notre noël comme tous les ans.

Encore une fois, ce qui serait intéressant c’est d’être jugé sur ce que l’on fait, pas sur le look parce que c’est bien trop facile.
   

La Princesse Kamatari avec des orphelins

Nous allons donc vous juger sur un autre élément important dans une élection, votre programme. Pouvez-vous nous expliquer les principales lignes de ce que vous prévoyez de faire si vous étiez élue ?

Si j’étais élue il n’y a pas d’autre possibilité qu’un programme social. Le Burundi est un pays qui est parti en lambeaux. Une maman qui n’a pas 10 euros pour pays son accouchement est mise en prison avec son bébé. Un mort dont la famille n’a pas les moyens de payer son séjour à l’hôpital est confisqué. On ne peut pas imaginer qu’aujourd’hui on puisse faire 10 kilomètres à pied matin et soir quand on est un enfant de six ans pour aller à l’école.
La seule chose à faire aujourd’hui à mon sens est de recoudre le tissus social. Après, on verra.
Pour l’instant on commencera par cela.

Comment financerez-vous ce programme très social ?

La communauté internationale s’est engagée à débloquer des financements après les élections. Si je suis élue, je pense faire plus que deux tonnes cette fois-ci.

Comment jugez-vous vos chances d’être élue ? Vous êtes très connue à l’étranger, mais quel regard pose sur vous la population vivant au Burundi ?

Je pense que la population n’est pas aveugle. Elle voit que je suis auprès d’elle depuis dix ans. Je n’étais pas payée, je n’avais pas un poste officiel pour le faire, j’ai agi simplement en tant que citoyenne. Je me trouvais à l’extérieur, j’avais beaucoup plus de moyens, je ne pouvais pas laisser ma patrie, moi-même, partir en lambeaux, et l’observer mourir.

La Princesse Kamatari avec des orphelins
   
Je pense que mon électorat sera d’abord un électorat de femmes, nous représentons plus de 50% de la population. Ainsi que tous ces laissés pour compte, ceux que j’ai serrés dans mes bras au moment où ils en avaient besoin, à qui j’ai apporté du matériel scolaire.
Et pourquoi pas les indécis ?

Les classes politiques africaines sont très souvent corrompues et coupées des réalités du terrain. Si vous étiez élue, que feriez-vous pour rapprocher administration et administrés, et surtout comment couper la branche sur laquelle certains sont assis depuis des années, et qui ne vous verraient pas arriver d’un bon œil ?

Je pense qu’il faut faire en sorte que les burundais croient en l’avenir. Aujourd’hui l’espérance de vie n’y est que de 24 heures.
La première chose à faire est d’instaurer un état de droit. Sans droit, ce n’est pas possible.
Laissez-nous déjà arriver et vous nous jugerez sur nos actions.

Un dernier mot pour vos électeurs ?

Que je les aime.
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Mots-clés: Mannequins   
 

   

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