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Sandrah Montieux Pelage, organisatrice du premier Congrès de la Femme Noire Leader
En marge de la première édition du congrès qui s'est tenue à Paris, Sandrah s'est prêtée au jeu des questions pour la rubrique "Parcours"
 06/09/2004 Par Hervé Mbouguen
 
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Sandrah Montieux Pelage
©ovibes.net
   
Pouvez-vous vous présenter à nos internautes?

Je crois que l'expression qui me caractérise le mieux est que je pense être un "agent de changement social", et quelques soient les activités dans lesquelles je me trouve, qu'elles soient caritatives ou professionnelles, il semble que le plus important pour moi est que la société s'en trouve changée après.

Vous êtes d'origine antillaise, avez fait vos études en France, mais votre carrière professionnelle commence dans le marketing en Angleterre. Pourquoi partir de ce pays où vous avez fait vos études?

A l'époque, en 1991, je ne voyais pas du tout où je pouvais me situer professionnellement, je ne voyais pas de personne de mon origine dans les métiers du marketing, je ne savais pas où trouver les accès. J'étais une étudiante qui avait fait l'université, j'avais une maîtrise d'économie international à la Sorbonne, et un DESS de Commerce International franco-britannique à l'Université de Lille, je ne sortais donc pas d'HEC, et je ne voyais pas où me diriger en France.
Je suis allée en Grande-Bretagne pendant le week-end du bicentenaire de la révolution française à Londres, et je me suis rendue compte que dans les magasins il y avait plusieurs noirs qui vendaient du Christian Dior, ce qui était inimaginable à l'époque en France, je me suis rendue compte qu'il y avait des noirs comme Trevor Mc Donald (grioo lui a consacré un article au 20heures, je me suis dit qu'il fallait que je change de pays pour ne pas être coincée dans un style de métier qui ne me correspondait pas: j'ai fait mes valises et je suis partie.
   

Sandrah Montieux Pelage et Christiane Taubira
©ovibes.net

Vous commencez votre carrière par le marketing de produits cosmétiques en Grande-Bretagne, pouvez-vous décrire la société dans laquelle vous avez commencé, les missions qui étaient les votres et les résultats auxquels vous êtes arrivée?

J'ai commencé en faisant partie d'une équipe marketing pour une marque américaine, DDC Limited, qui faisait des produits cosmétiques pour femme noire, Floy Roberts. J'étais impliquée dans le développement des ventes et j'ai appris à promouvoir cette marque avec le peu de moyens qui étaient les siens. J'ai également eu à me rendre en Afrique du Sud pour y développer la présence de la marque, ce qui m'a permis de découvrir l'Afrique du Sud entre le moment où Nelson Mandela a été libéré et celui où il est devenu président, en 1993.
J'ai eu des résultats assez époustouflants qui m'ont permis de voir que j'avais un talent dans le marketing qui est une activité à la fois scientifique et intuitive, qui m'allait comme un gant, et j'ai aussi découvert le monde de la femme noire dans toute sa difficulté, c'est-à-dire des consommatrices et des employées très fracturées par leur position économique à l'époque, car il faut bien préciser que ça se passe en 1991, et qu'à cette époque la femme noire de Grande-Bretagne n'est pas exactement ce qu'elle est aujourd'hui, en 2004.

Par conséquent, il a été un choc pour moi de découvrir un désespoir assez grand, de cette femme noire, venant d'Afrique ou des Antilles, qui avait le sentiment qu'elle n'y arriverait pas, qu'elle était un être humain d'une classe inférieure puisque les salaires auxquels elle pouvait prétendre étaient plus liés à sa couleur de peau qu'à sa compétence parce que le racisme des grands magasins vis-à-vis des marques noires était assez clair, mais aussi parce qu'à métier égal, pas seulement pour une marque noire mais même pour une marque de renom, les femmes noires ne pouvaient pas prétendre aux mêmes salaires que les autres.

Ce désespoir lié à la limitation de leur potentiel est plus ce que j'ai trouvé dans le monde du marketing en Grande-Bretagne que le plaisir de faire du marketing.

Fashion Fair
©fashionfair.com
   
Vous êtes cependant restée dans le monde du marketing puisqu'après cette première expérience vous devenez responsable des ventes pour Fashion Fair. Même question: quelles étaient vos missions, quels résultats avez-vous obtenus, et surtout, comment cette clientèle "éthnique" était vue par votre hiérarchie?

Contrairement à la société précédente dirigée par des blancs et des juifs, Fashion Fair appartient à une société noire-américaine. Les enjeux étaient que j'avais plus d'expérience, j'étais directrice commerciale et j'avais 70 personnes sous ma responsabilité, et la détresse était sensiblement la même que ce j'avais vu dans mon emploi précédent, sauf que c'était encore pire parce que les marges pratiquées par les grands magasins à Fashion Fair, c'est-à-dire une marque noire appartenant à des noirs, et non plus une marque noire appartenant à des juifs, étaient assez atroces: il y avait facilement une différence de 10 à 12% dans les marges pratiquées, ce qui était très pénalisant pour Fashion Fair.
Ma mission était d'augmenter les ventes de façon drastique, ce qui a été fait, et ce qui a permis un changement historique des marques de Fashion Fair en Grande-Bretagne bien que les dirigeants de l'entreprise avaient essayé quelques années auparavant de renégocier les marges sans succès, et le résultat de ces ventes dans ma vision a contraint les acheteurs des grands magasins à changer de marge.
Le racisme économique vis-à-vis des sociétés noires est réel, et ma seconde expérience m'a permis d'approfondir ma connaissance de ce racisme, et n'a fait que me conforter dans l'idée que le monde était loin d'être juste, et le monde économique encore moins, et mon engagement est né de cette série d'expériences.
   

Simone Schwarz-Bart
©http://www.lehman.cuny.edu

En parlant de cet engagement, en 1998, vous devenez éditrice sur des sujets a priori peu vendeurs, puisqu'un certain nombre d'entre eux sont liés au monde noir, qu'est-ce qui vous a poussée à faire cette transition qui était commercialement un peu risquée?

J'ai pensé qu'il était important que le monde anglophone puisse avoir accès aux livres de la collection "Hommage à la femme noire" de Simone Schwarz-Bart, qu'il en avait plus besoin que les francophones parce qu'il y a un grand accès aux questions noires et africaines en France, beaucoup moins aux Etats-Unis, et j'ai décidé de me rendre aux Etats-Unis où le marché était plus large, bien que je sois un éditeur thématique, ce n'est donc pas une maison d'édition qui publie des dizaines d'ouvrages, je coédite avec The University of Wisconsin Press, et les livres sont vendus dans la grande distribution américaine et dans des événements bien particuliers.

Une chose est claire, il fallait être aux Etats-Unis pour rendre cette activité rentable.
Il y a un énorme marché, d'une population noire-américaine qui est très attachée à l'histoire, et qui a une relation avec les livres très liés à son estime personnelle, c'était important d'y émigrer, en Décembre 1998, pour mettre à bien les négociations nécessaires pour aboutir à la publication de cette collection qui a été relookée en quatre volumes dont trois seulement ont été publiés aux Etats-Unis, et dont le reste est à venir.


Un livre édité par Modus Vivendi
©inpraiseofblackwomen.com
   
Cette activité connait un succès commercial?

L'investissement d'impression est couvert, et nous allons rentrer dans une phase de retour sur nos profits dans un avenir assez proche, même si nous avons été impactés par la guerre en Irak et les attentats du 11 Septembre, qui ont entraîné beaucoup de retours de livres des grands magasins, et ont nui au marché de l'édition.

A côté de ces activités, comme nous l'avons vu dans l'interview parue il y a quelques semaines, vous êtes l'organisatrice du Congrès de la Femme Noire Leader. Que représente cet engagement de votre point de vue?

Ecoutez, c'est un an et demi de préparations, de stratégie, de négociations, sept mois à temps plein de façon totalement bénévole. Une transformation personnelle et j'espère une transformation pour l'équipe bénévole qui a travaillé sur ce projet, et surtout un succès qui permet d'envisager et de stratégiser l'avenir.

Comment arrivez-vous à concilier cet engagement que l'on imagine très prenant avec le Congrès, vos activités au sein de Modus Vivendi, et vos activités associatives?

J'essaie de m'organiser mes activités professionnelles et caritatives de façon à créer des synergies, pour que je puisse continuer mon engagement tout en continuant ma vie professionnelle, mais de façon souple et flexible, pour que l'une et l'autre de ses deux parties de ma vie qui me sont fondamentales ne soient pas en porte-à-faux.
   

Sandrah Montieux Pelage et Anne Hidalgo une des principales adjointes au maire de Paris
©ovibes.net

Vous avez donc beaucoup d'activités comme vous le reconnaissez, êtes en permanence entre deux continents, comment arrivez-vous à concilier tout cela?

Je travaille de chez moi déjà, donc quand je suis aux Etats-Unis je passe beaucoup de temps avec ma famille, ce qui est positif.
Deuxièmement j'ai la chance d'avoir un mari aussi engagé que moi, même s'il n'a pas le rôle de front, et qui aime ses enfants. Il m'aide beaucoup
J'ai aussi la chance d'avoir des amis à Houston qui se sentent concernés par ma mission, ça facilite ce que je fais.

Et en toute honnêteté, j'ai beaucoup voyagé avec mon premier enfant, et je continue à faire beaucoup de voyages où j'emmène mes enfants.
Je pense être une personne d'une grande flexibilité, ce qui permet que tout cela se fasse.

Sandrah Montieux Pelage et Benedita Da Silva, ex-gouverneur et légende vivante au Brésil
©ovibes.net
   
Pour finir une question "rituelle", surtout que vous avez vu beaucoup de femmes dans le cadre de l'organisation du congrès, si une jeune afro-antillaise vous demandait un conseil pour réussir dans votre domaine, quel serait-il?

Je pense qu'il faut faire les choses avec conviction. Si on n'est pas convaincu de ce qu'on fait, on ne peut pas réussir. Je crois qu'il faut également être patient et tenace, je ne pense pas qu'on puisse avoir de résultats dans le court terme, il faut toujours envisager d'insister pour avoir les résultats. C'est ce que m'a enseigné l'expérience de ma vie, j'ai 36 ans, il faut beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup travailler et insister, surtout pas d'inconsistance, mais beaucoup de consistance pour arriver à tracer son sillon.

Comment vous contacter ?

Par e-mail gcbwl@earthlink.net

Nous vous remercions

C'est moi qui vous remercie et souhaite une longue vie, de plus en plus riche, à Grioo.com
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