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Christine Kelly, journaliste sur LCI
Le parcours de Christine Kelly, journaliste guadeloupéenne présentatrice du journal du matin sur la chaîne cablée LCI
 11/11/2003 Par Cyrille Nono et Hervé Mbouguen
 
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Christine Kelly présente le journal dans la tranche du matin sur LCI
   
Pouvez vous vous présenter à nos internautes ?

Je suis Christine Kelly, je suis journaliste à LCI depuis bientôt 4 ans. Je suis originaire de la Guadeloupe.

Pouvez-vous nous parler de vos jeunes années en Guadeloupe, un peu avant que vous ne commenciez votre carrière à la Télévision ?

Juste avant de commencer la Télé, j’ai fait des études en maths et physique. J’ai travaillé ensuite, fait des petis jobs, j’ai été hôtesse de l’air, j’ai été hôtesse sur le TGV, je me suis un peu cherchée…Je faisais des allers-retours entre Paris et les Antilles. Juste avant la télévision, c’était les études entrecoupées de petits jobs.

Comment passe t-on des études scientifiques au journalisme à la télévision ?

C’est vrai que j’ai fait une licence de maths physiques. Mais je voulais travailler, avoir un salaire, être indépendante, c’est comme ça que j’ai commencé le métier d’hôtesse de l’air et ensuite, je suis retournée en Guadeloupe, où j’ai envoyé un CV à plusieurs compagnies aériennes, mais elles n’embauchaient pas.

Ma mère m'a conseillé de répondre à l'annonce d'une petite chaîne

en Guadeloupe, Archipel 4.Elle recherchait une animatrice parlant anglais. J’ai envoyé mon CV sans aucune conviction. Pour moi c’était plus un jeu qu’autre chose. Et à ma grande surprise, j’ai été appelée le lendemain, deux jours après je passais mon casting et 8 jours plus tard ma première émission était à l’antenne. C’était une émission qui s'appelait Caribscope, et qui traitait de l’actualité dans les Caraïbes.
   

Vous commencez comme présentatrice sur cette chaîne et qu’est ce qui fait que vous migrez ensuite vers un "vrai métier" de journaliste ?

Lorsque je suis arrivée sur cette chaîne c’était pour moi une façon de m’amuser, de découvrir autre chose car je ne gagnais pas très bien ma vie, je ne la gagnais même presque pas du tout...Petit à petit je suis restée deux ans sur cette chaîne, j’ai commencé à avoir des articles de presse, j’ai commencé à faire des couvertures de magazine, ça m’a encouragée à faire de ce qui devenait une passion un métier.

J’ai quitté ma petite chaîne pour postuler chez RFO qui pour moi était une grande chaîne, la "TF1" locale. C’était un grand pas. Je commençais à devenir professionnelle et à RFO on m’a embauchée comme stagiaire le premier mois, malgré ce que j’avais fait auparavant (documentaires, émissions...etc). Et puis très vite j’ai eu des chroniques, au bout d’un an la responsabilité d’une émission, que je présentais en direct tous les midis.

J’ai ensuite cherché à évoluer dans la production ou le journalisme. Je me suis renseignée auprès du rédacteur en chef de RFO qui m’a dit que si je voulais être journaliste, il me fallait faire une école de journalisme. Ce qui m’a surpris car j’avais quatre ans d’expérience derrière moi. Il m’a dit que c’était la seule solution sinon ça allait prendre du temps pour que j’obtienne une carte de presse. Je commençais à être installée et me faire un nom en Guadeloupe et là il me fallait tout recommencer. Je me suis dit que j’allais investir dans le fond parce que j’avais beaucoup investi sur la forme en tant qu’animatrice. J’ai tout quitté et je suis allé à l’école de journalisme de Bordeaux pendant un an, en année spéciale pour obtenir mon diplôme de journaliste.
   
Comment s’est passée la transition entre la Guadeloupe et Bordeaux, avez vous rencontré des difficultés particulières ?

J’ai connu une première difficulté lors de l’inscription où l’on voulait que je suive les cours sur deux ans au lieu d’un an. Je voulais absolument faire la formation sur un an car j’avais de l’expérience, j’avais déjà travaillé...Par la suite j’ai appris qu’on voulait que je la fasse en deux ans car on disait que les antillais quand ils arrivaient en métropole avaient froid, voulaient rentrer chez eux...

Il y avait d’autres antillais qui étaient passés par cette école, qui n’avaient pas tenu le coup et avaient craqué au bout d’un mois ou deux. La première difficulté était donc d’entrer dans l’école de journalisme. C’était également difficile pour moi d’ être dans une ville que je ne connaissais pas, de vivre dans une chambre d’étudiant alors que je commençais à avoir un très bon salaire à RFO.

Mais j’étais très motivée car je considérais que j’avais un retard par rapport aux autres étudiants de l’école qui semblaient tout savoir sur tout, sans aucun effort alors que nous à huit mille kilomètres de la métropole on connaît surtout la presse locale et pas grand chose de la presse et de la vie politique métropolitaine. J’avais vraiment un complexe d’infériorité dans le sens où je me disais qu’ils étaient plus jeunes que moi, plus diplômés (pour certains). J’ai eu beaucoup de difficultés, mais la motivation et la volonté vont au delà des difficultés comme des atouts que l’on peut avoir à la base (...) Il fallait avoir la motivation, ce que certains camarades de promotion n’avaient pas.
   

Christine Kelly a travaillé chez RFO
©rfo.fr

A la suite de l’école, vous avez travaillé sur Canal + à la création de la chaîne de l’emploi. Quel souvenir gardez-vous de vos premières expériences après l’école ?

Avec le recul, on se dit que tout s’est bien passé. Mais ça n’a pas été aussi facile que ça de décrocher ses premiers contrats de travail. J’ai travaillé à France 3 Rouen, à France 3 Tours, à France 3 Montpellier, à France 3 île de France…A chaque fois il fallait envoyer des CV, appeler, ne pas se décourager, bombarder de coups de fils…Quand je restais une journée sans avoir de contrat ou que je me demandais ce que j’allais faire, c’était la fin du monde. Dans les postes que j’occupais, j’avais laissé la présentation de côté, j’effectuais des reportages sur le terrain.

Ensuite j’ai travaillé 2 mois sur RFO au service politique, puis sur la chaîne "Demain" qui était la chaîne de l’emploi de Canal +. J’avais beaucoup de responsabilités. C’était une très belle expérience puisqu’on créait une chaîne. On avait beaucoup d’ambitions. Mais au bout de deux ans je commençais à tourner en rond car quand on travaille on aime voir les résultats, mais je ne voyais pas les résultats de ce que je faisais. Je travaillais énormément, j’étais attaché de presse, reporter, je présentais...

j’ai décidé de quitter la chaîne et j’ai démissioné, je suis rentrée chez moi et j’ai envoyé des CV et des lettres de motivation pendant 8 jours. J’ai envoyé mon CV à toutes les maisons de production et à toutes les chaînes Télé. Je ne pense pas qu’il y ait une chaîne télé qui n’ait pas reçu mon CV. LCI m’a répondu favorablement de même que la chaîne "Voyages" et la chaîne "Météo". J’ai commencé les trois d’un coup. ("Voyages" pendant un an, la chaîne "Météo" pendant deux ans, et à LCI parallèlement). Petit à petit j’ai laissé la chaîne voyage et la chaîne météo.

Christine Kelly
   
Quand vous avez commencé sur LCI, comment avez-vous évolué vers la présentation ?

Dès que je suis arrivé sur LCI, j’ai postulé pour la présentation. Car pour être reporter sur le terrain il fallait avoir une formation de caméraman que je n’avais pas. On pouvait aussi faire du commentaire sur images (être dans une cabine et commenter des images). Par rapport à ce que j’avais déjà fait c’était beaucoup moins intéréssant. J’ai donc commencé comme présentatrice en février 2000.

Comment se sont passés vos premiers jours à LCI en tant que nouvelle arrivante dans une chaîne où il y a beaucoup de stars ?

Lorsque je suis arrivée, je me suis dit que j’arrivais au pied de l’échelle face aux dinosaures de la chaîne. Il me fallait apprendre l’esprit maison qui était différent de l’esprit Canal + d’où je venais. Je me suis fait toute petite, j’ai observé, écouté, appris et demandé des conseils, essayé de voir si je correspondais à l’esprit maison. J’ai regardé comment les autres faisaient leur journal... Par contre je n’ai pas prêté attention aux critiques sur mon éventuelle arrivée.
   

©bienglace.com

De quel ordre étaient les critiques ?

Sur le moment je n’ai rien entendu de tout ça je me suis "bouchée les oreilles". Par la suite j’ai su que certains disaient qu’il y avait une jeune fille noire qui était arrivée et que j’étais donc "le quota". J’étais là pour travailler. Lorsque je suis arrivé sur France 3 on n’a pas dit de moi que j’étais un quota. Lorsque j’étais sur la chaîne de l’emploi de Canal +, je n’étais pas considérée comme un quota. Pour moi à LCI je n’étais pas un quota, je faisais mon travail et puis c’était la continuité de mon métier.

Concrètement comment cela se passe votre travail au quotidien ?

Je suis rédactrice de mon journal. Et c’est difficile d’écrire son journal et ses textes. Plus on écrit un journal et plus on voit que les mots sont importants. Un mot peut faire la différence. Il y a aussi un système à LCI qui veut que les phrases ne soient pas très longues. J’apprends tous les jours. Par exemple pour moi mes journaux d’il y a un an ne sont pas du tout les mêmes alors que le téléspectateur ne voit pas de différence. Je vais maintenant au delà de l’information. Par exemple il y a quelques semaines il y a eu l’attentat contre Wolfowitz et j’ai commencé mon journal en disant c’était peut-être un tournant en Irak. Il y a deux ou trois ans je me serais contentée de dire qu’il y avait eu "une tentative d’Attentat contre Paul Wolfowitz". C’est là que je vois la différence.
   
Avez-vous la liberté dans le séquençage des informations ?

La liberté même dans l’information existe assez peu car quand l’Irak fait la une de l’actualité on commence par l’Irak.Il y a des sujets qui sont imposés par l’actualité. Par contre on est plus libre au niveau des brèves qu’on peut insérer dans le journal. On est libre dans la façon d’écrire le journal, ou de choisir l’ordre de l’actualité lorsqu’on peut le modifier. Pour en revenir à la façon de travailler, on arrive trois heures avant le journal, on lit les dépêches, on les résume, on les réecrit…On se concerte avec le rédacteur en chef pour hiérarchiser l’information du journal.

Subissez vous des pressions vu que votre poste de présentatrice est un poste où vous êtes exposée ?

LCI est très regardée, notamment par des décideurs, l’Elysée, Matignon...etc On ne peut pas se permettre de dire n’importe quoi. Dès que l'on donne une information imprécise ou peu claire , on a

des réactions...

Vous avez dit qu’au début chez LCI, certains vous considéraient comme un quota. Comment avez-vous vécu le fait d’être femme et Noire au cours de votre carrière ?

Parfois comme un avantage, parfois comme inconvénient. Chez LCI le fait d’être une femme est un avantage à l’antenne car le téléspectateur préfère voir une femme, de préférence jolie. S’il est accroché par l’image, il reste sur la chaîne...N’oublions pas qu’on est sur le câble et que le téléspestateur zappe plus facilement. Par contre pour l’accession à des postes à responsabilité, ce n’est pas un avantage. En ce qui concerne le fait d’être noire, je n’ai jamais ressenti d’hostilité franche, de racisme ou de xénophobie à mon égard, plutôt des petites remarques du style : "tu es antillaise, les antillais ne travaillent pas comme ça...comment se fait-il que tu travailles autant ?". Mais en général j’ai toujours été bien accueillie.
   

Christine Kelly

Comment voyez-vous le problème des minorités à la télévision ?

Je pense qu’il y a un progrès même si ce n’est pas encore tout à fait suffisant. Il y a un pas qui a été fait.

Est ce que ce n’est pas le collectif égalité qui a contribué à l’avancée ?

Je pense qu’ils ont tapé du poing sur la table. Est ce que c’est parcequ’ils ont fait ça que les gens ont été embauchés ? je ne saurais le dire. Mais le fait qu’ils aient beaucoup parlé de ce problème dans la presse a poussé les directeurs de programmes à se remettre en cause. Je pense que ça beaucoup joué au moins pour que notre communauté soit entendue. Mais il reste encore du travail pour faire avancer les choses.

Comment voyez-vous votre avenir professionnel ?

Dans le journalisme et dans la présentation je me sens très bien. Je suis sur LCI depuis bientôt quatre ans et je si peux y rester encore quatre ans ça m’irait très bien. Une star comme David Pujadas est partie après sept ans à LCI, douze ans à TF1. Il ne faut pas être pressé, il faut savoir prendre le temps de s’installer ce qui n’est pas chose facile pour moi qui ait la bougeotte.

Si de jeunes filles issues des minorités veulent faire la même carrière que vous, que leur diriez-vous ?

Je leur dirais de se concentrer sur les études. D’en faire un maximum en qualité, pas forcément en longueur. Deuxièmement, de chercher vraiment une place car il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus dans le journalisme, et c’est encore plus difficile à la télévision. Je leur dirais aussi d’être noires et de sentir bien dans leurs peaux. Ne pas renier son identité, mais se sentir sur de soi, fière de soi.

Juliette Foster de Sky News a présenté la soirée au cours de laquelle Christine Kelly a été récompensée
©celebritysearcher.com
   
Pour finir, vous venez de reçevoir le prix spécial "French Média" pour votre travail sur LCI, lors du Gala des femmes d'affaires Noires d'Europe à Londres.

Quel effet cela vous fait-il, et quels encouragements cela vous procure-t-il que des femmes d'affaires anglaises apprécient ainsi votre travail?


C'était une véritable surprise pour moi...

Jamais je n'aurais pensé, en arrivant à cette superbe soirée que j'aurais été récompensée...

L' « European Federation of Black Business Owners », un organisme qui rassemble des femmes Noires d'affaires d'Europe existe depuis 8 ans, son but est d'accroître la visibilité des femmes Noires d'Europe.

Parmi les autres femmes françaises récompensées , se trouvaient Annick Thébia-Melsan qui travaille à l'ONU et à l'Unesco, Madeleine de Grandmaison, vice présidente du Conseil Régional de la Martinique ou encore Danielle Marceline femme bâtonnier du barreau de Fort de France.

Le sénateur Lucette Michaux Chevry avait été récompensée l'an dernier.

Pour moi c'est donc un véritable encouragement, une façon pour moi de porter haut les couleurs de la Guadeloupe en France, et de la France à l'étranger.

Le conseil régional a sponsorisé ce prix et je suis très fière d'avoir sa confiance.

Je me suis une fois encore rendue compte qu'à Londres il y a de nombreux présentateurs noirs...

La soirée était d'ailleurs présentée en partie par Juliette Foster de Sky News...

Comme dirait Thomas Edison, la résussite c'est 1% d'inspiration et 99% de

transpiration, je vais donc me remettre au travail.

grioo.com vous remercie.
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