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Imane Ayissi: Yves Saint Laurent n’est plus… la fin d’une époque
Le styliste et ex-mannequin d'origine camerounaise partage son sentiment sur la disparition de celui qui a travaillé avec plusieurs mannequins d'origine afro
 12/06/2008 Par Imane Ayissi
 
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Yves Saint-Laurent et Mounia au premier plan

Depuis la triste disparition d’Yves Saint Laurent tout a été dit : son importance dans l’évolution de la mode de la seconde moitié du 20ème siècle, son style inimitable qui a accompagné le changement de mode de vie des femmes en occident, sa personnalité hypersensible et attachante… les critiques parfois sévères d’hier ne tarissant plus d’éloges aujourd’hui, c’est la tradition…

Ce que moi, ex-mannequin et couturier né en Afrique vivant et travaillant aujourd’hui à Paris, en retient est un peu différent. Saint Laurent est sans doute celui qui a fait le plus pour ce qu’on n’appelait pas encore la promotion des minorités visibles. Il a été parmi les premiers, avec d’autres en particulier Paco Rabanne, à faire défiler sur les podiums de la Haute Couture parisienne des mannequins à la peau noire, d’abord américaines puis caribéaines et africaines.
Il est vrai que dès les années 60, à la suite de l’indépendance des pays africains, les premières élections de miss africaines avaient mis en avant la beauté et l’élégance de ces femmes pour qui l’Europe représentait un modèle, la mode parisienne dans toutes ses formes imprégnant désormais aussi le goût des femmes africaines.

Yves Saint-Laurent et Alek Wek

Mais Saint Laurent n’a jamais considéré ces mannequins à la peau ébène comme des beauté exotiques qui devaient porter des robes d’inspiration plus ou moins folklorique. Dès 1970 il les faisaient déambuler dans ses impalpables robes du soir, ses smokings à l’allure éternelle, ses tailleurs impeccables, images d’une mode absolument parisienne et totalement cosmopolite.
Tous les grands mannequins noirs ont arpenté ses podiums, Mounia, Amalia, Rebecca Ayoko, Iman Bowie, Sadiya Gueye, Kadidja, Liya Kebedé, Gloria, Tyra Banks, Naomi Campbell, Alek Wek… et bien entendu la ô combien regrettée Katoucha. Il a été d’une fidélité exemplaire envers ce type de beauté et l’on sait les relations très particulières qu’il a noué avec certaines d’entre elles : Mounia ou Katoucha jouant le rôle de véritables muses auprès du maître. Quasiment chaque saison on voyait apparaître un nouvelle beauté noire et il a été à l’origine de la carrière de celles qui sont ensuite devenues de vraies vedettes.

L’autre aspect remarquable de son éblouissante carrière, a mon avis, est que sa mode a toujours gardé un certain caractère détonnant. Certes de véritablement révolutionnaire dans les années 60 (le pantalon même le soir, la nudité juste voilée de crêpe noir dès 1968 ) son style s’est mué peu à peu en classicisme voir en un certain conservatisme à la fin de sa carrière. Mais même dans ses toutes dernières collections, son utilisation de couleurs vives, flamboyantes, voyantes même, sa façon unique de les associer entre elles au delà de toute notion de bon ou de mauvais goût restent pour moi une grande leçon de mode. De même sa totale décontraction avec la nudité du corps féminin reste plus qu’audacieuse. Ses robes de grand soir dénudant entièrement la poitrine, ses fentes vertigineuses dévoilant totalement le corps, gardent, particulièrement dans le contexte compassé de la Haute Couture des années 90, et même avec le recul, une charge subversive complètement intacte.


Yves Saint-Laurent ému lors de ses adieux en 2002


Enfin le plus important est sa capacité à s’inspirer, mais de manière tout à fait personnelle, de tous les folklores du monde pour créer cette mode qui apparaît pourtant encore aujourd’hui comme la quintessence de l’élégance française. On sait que la Chine ou le Maroc par exemple ont été des sources d’inspirations très importantes pour créer ses collections. Mais là encore, il a été parmi les premiers à reconnaître et intégrer les cultures africaines dans une mode tout à fait contemporaine, rendant visibles des esthéthiques qui jusque là n’étaient reconnues que chez les collectionneurs d’art primitif.

Avec Yves Saint Laurent, ce n’est pas seulement un couturier génial qui disparaît, c’est aussi la fin d’une époque. La fin d’un style, d’une conception de l’élégance, d’un mode de vie, mais aussi d’un fonctionnement culturel et économique de la mode. Faut-il s’en réjouir ou bien pleurer ? la seule chose que je sais c’est que rien ne sera plus comme avant.
A voir sur Grioo Pour Elle
Une galerie photos consacrée aux mannequins noirs ayant défilé pour Yves Saint-Laurent
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Mots-clés: Imane Ayissi   
 

   

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