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Interview de Khadi Hane, auteure du "collier de paille"
De retour de Dakar où elle présentait son dernier livre, l'écrivain sénégalaise Khadi Hane s'est confiée à grioo.com
 17/07/2003 Par Paul Yange
 
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Khadi Hane
©ndze.com
   
Grioo.com : Votre quatrième roman, "le collier de paille" vient d’être publié aux Editions Ndze. Pourtant et paradoxalement, l’écriture n’est pas votre métier. Comment êtes vous venue à l’écriture ? et comment faites vous pour concilier l’écriture et votre emploi de cadre d’entreprise ?

Khadi Hane : Je suis arrivée à l’écriture par hasard après un coup de gueule. Je venais d’être diplômée et je recherchais un emploi à Paris ; je me suis retrouvée confrontée au racisme qui veut que les employeurs rejettent ma candidature à chaque fois que j’y joignais ma photo. Mon 1er roman, Sous le regard des étoiles…, est basé sur cette expérience malheureuse, il n’était pas destiné à la publication mais un ami m’a convaincue de le faire. La passion d’écrire est arrivée par la suite.
C’est vrai, jusque là, l’écriture n’était pas mon métier, toutefois depuis peu; je m’y consacre de plus en plus car la promotion d’un livre prend beaucoup de temps. Je viens de quitter mon emploi pour me consacrer à des activités associatives, ce qui me laisse le temps de concilier écriture et emploi salarié.

Le collier de paille aborde notamment le thème de l’adultère en milieu africain. Pourquoi avoir choisi d’aborder ce thème ?

Ce serait réducteur de dire que le thème principal est l’adultère. En réalité, l’adultère est un prétexte pour affronter le modernisme dakarois calqué sur des modèles européens avec la tradition pure de nos sociétés. Ce que j’ai voulu faire, c’est confronter un paysan brut (j’entends par là analphabète en français, donc vierge de toute influence extérieure) avec une dakaroise instruite dite moderne (lavage de cerveau) et essayer de voir lequel des deux prévaut. Nous avons tendance à nous croire supérieurs à ceux qui n’ont jamais été à l’école ; pourtant, ceux-là mêmes nous rejettent parce que nous ne reflétons plus les réalités de notre société. La consommation de cet amour représente aussi la purification de l’héroïne vers le retour à son identité réelle.
   

Khadi Hane (à l'arrière-plan) lors d'une presentation de son livre le "collier de paille " en région parisienne
©ndze.com

L’héroïne de votre roman est mariée à un homme que bien des femmes qualifieraient de parfait, elle est choyée par sa mère...Elle a tout pour être heureuse et sa vie est tragique. Pourquoi lui avoir donné ce destin et comment faut-il interpréter ce qui lui arrive?

Dire que l’héroïne est heureuse avec son mari, ses parents est un peu simpliste ; en réalité on est heureux par rapport aux critères de définition du bonheur dont on dispose. Elle se croyait heureuse jusqu’à ce qu’elle découvre une autre forme de bonheur plus concret dans le village où elle est envoyée en mission. Elle se remet en cause dès l’instant où elle frôle le souffle d’un être plus authentique. Elle se compare à ses femmes, elle remet en cause ce bonheur basé sur un confort matériel dont elle a toujours joui. Est-ce cela le bonheur ? N’est il pas plus éclatant d’être heureux dans son moule originel ?

Vous avez présenté votre roman à Dakar. Quel accueil avez vous reçu du public et des critiques ?

J’ai été étonnée des titres des journaux qui ont présenté mon roman : "le collier de paille ou l’adultère en milieu musulman". Heureusement, après les débats organisés avec mon éditeur, nous avons réussi à remettre le collier de paille dans un contexte plus approprié.
Le public a jugé lé roman avant de le lire, ceci à cause d’un article paru dans Sud Quotidien. Bien sûr, l’auteure (moi-même) y était lynchée avant d’être entendue. En fait, nous avons pu expliquer et ramener la réalité du livre, ce qui nous a permis d’être accueillis favorablement par les lecteurs. Nous avons été en rupture de stock dès la première semaine de notre séjour à Dakar, il a fallu un approvisionnement supplémentaire pour que les librairies Clairafrique et Les quatre vents puissent faire face à la demande.

Si vous deviez vous comparer à un autre ecrivain, africain ou non africain, de qui votre style se rapprocherait t-il le plus ?

Je me sens très proche de Stenbeck, notamment quand j’ai lu les raisins de la colère. C'est cette dernière qui guide et alimente mon écriture. Je suis en colère contre ce que je vis en tant que Noire et aussi contre ce que les dirigeants noirs me réservent pour mon présent et mon avenir.

A Dakar, une jeune femme cadre, mariée depuis 5 ans à un journaliste de télévision est envoyée en mission dans un village sérère. Elle y croise un paysan, fils du chef du village et son destin bascule...
©ndze.com
   
Etes vous héritière d’une certaine tradition littéraire sénégalaise au travers d’écrivains comme Mariama Bâ, Ken Bugul , Aminata Sow Fall...?

Je pourrais être flattée d’être comparée à ces écriavaines sénégalaises qui ont toutes apporté une contribution considérable à la reconnaissance de la femme sénégalaise en tant que créatrice. Toutefois, je n’ai aucun lien de style ou de revendication avec elles. Je suis sûre que seul le lecteur pourra trouver une similitude ou un semblant de convergence entre nous. Je ne me revendique d’aucune de ces créatrices qui, bien sûr, ont bercé ma jeunesse littéraire.

Comment analysez vous la place des écrivains féminins dans la littérature africaine d’aujourd’hui ? les femmes sont-elles bien représentées en littérature ou leur présence doit-elle encore être renforcée ?

Il faut dire qu’il y a peu de femmes africaines qui écrivent comparées au nombre exorbitant d’hommes ; pourtant, les femmes écrivent de plus en plus. En tout cas, c’est ce que disent les éditeurs. Bien sûr que leur présence doit être renforcée car les femmes disent mieux ce qu’elles vivent. Aujourd’hui, il est important que les femmes africaines puissent parler de leur situation en tant que femmes et œuvrer dans le sens de la revendication de leur bien être et pourquoi pas remettre de l’ordre dans les déclarations de ceux ou celles qui atteignent leur dignité de femmes dans des déclarations purement commerciales.
   

Khadi Hané
©ndze.com

Plus généralement, comment voyez-vous le rôle et la place de la femme dans la société africaine d’aujourd’hui ?

Elle reste la même. Contrairement à ce qu’on croit, le femme africaine a toujours eu un rôle prépondérant dans la gestion de sa famille. Nos sociétés sont matriarcales même si certains y voient une soumission extrême de la femme africaine à son mari. C’est plutôt les sociétés dites modernes qui emprisonnent la femme à un rôle secondaire qui n’a rien à voir avec l’Afrique. Je ne suis pas féministe dans le sens européen. Aujourd’hui, je préfère être femme africaine plutôt que de m’engager dans des combats d’émancipation qui ne me reconnaissent que le droit de m’insurger contre les injustes occidentales. Ceci est un combat qui n’a rien à voir avec la femme africaine.

Votre roman est-il reçu de la même façon par les hommes et par les femmes ?

Je crois que oui, puisque aucun débat n’a été initié par les uns ou les autres pour revendiquer un droit ou un devoir acquis. Toutefois, une journaliste de Sud Quotidien m’a avoué avoir écrit sur le roman parce qu’il dénonce la condition des femmes. C’est ce que je disais plus haut, chaque lecteur s’approprie le roman et en fait ce qu’il veut. Ai-je le droit de leur dire que ce n’est pas ce qu’ils ont compris que je voulais écrire ? Dès l’instant où il est édité, le roman ne m’appartient plus.

Quels livres avez vous lu récemment ?

J’ai lu "Oui, mon commandant" de Amadou Hampaté Ba, "Les aventures de Leuk le lièvre" de Senghor et A. Sadji qui m’ont replongée dans mon enfance.
Je lis très peu en ce moment car je suis en train d’apporter une dernière touche à mon prochain roman ; j’ai peur d’être influencée par une belle phrase, une belle tournure et pourquoi pas un paragraphe en entier. Evitons les plagiats.

Si de jeunes africaines veulent suivre vos traces en devenant écrivain, quels conseils leur donneriez-vous ?

Ecrivez ce que vous ressentez, armez vous de patience car éditer un premier roman est très long. Surtout, ne désespérez pas car si vous avez quelque chose à dire, il y a sûrement quelqu’un prêt à vous écouter. Alors persévérez.

Nous vous remercions
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